Ils ne pouvaient accepter ça. Trois mille refusés sur cinq mille postulants, trois mille artistes qui perdaient ainsi toute chance de se faire connaître. « Le salon ou la mort », telle était la loi. Quand le nombre des condamnés dépasse à ce point celui des heureux élus, une réaction s’impose. Cette réaction, ce fut le salon des refusés.

Il est vrai que le système avait vieilli. Le classicisme, qui représentait la modernité au XVIe siècle, s’était transformé en « art pompier » tristement conventionnel. En créant le salon des refusés, Napoléon III prenait acte d’un divorce entre les artistes et l’art officiel et laissait le public

 juge de la légitimité de ces réclamations. (Wikipédia)

Les nouveaux refusés

Cent cinquante ans plus tard, c’est au tour des écrivains d’exiger leur salon des refusés. Comment ne pas voir les points communs entre la situation des artistes en 1863 et celle des auteurs en 2015 :

– disproportion massive entre le nombre d’auteurs acceptés par le système éditorial et la grande masse des refusés ;

– poids déterminant d’une institution (l’oligopole des groupes éditoriaux) dans la définition de ce qu’est la littérature ;

– impossibilité pour les refusés de mener une carrière d’auteur hors du système ;

– adhésion des refusés à des valeurs modernes (livre numérique, auto-promotion, réseaux sociaux, etc.) ;

– rejet des auto-édités par les critiques conventionnels, qui rient d’eux à peu près comme Maxime Du Camp se gaussait des refusés (cité par Wikipédia) :

Cette exhibition à la fois triste et grotesque est une des plus curieuses qu’on puisse voir. Elle prouve surabondamment, ce que du reste on savait déjà, que le jury se montre toujours d’une inconcevable indulgence. Sauf une ou deux exceptions très discutables (…) on y rit comme aux farces du Palais-Royal (…)

Des trois mille œuvres exclues par les membres de l’Académie, une majorité ne méritait guère d’être exposées. Mais faut-il rappeler que la plupart des artistes pompiers du Salon de peinture et de sculpture, bien que conformes aux vœux de l’Académie, sont tombés depuis lors dans l’oubli ? La décision de Napoléon a marqué son époque parce qu’elle affranchissait les peintres et les sculpteurs du jugement des académiciens, et laissait le public décider de ce qui lui plaisait. L’auto-édition accomplit aujourd’hui le même genre de renversement, en permettant aux lecteurs, et non aux seuls éditeurs, de juger si un livre les séduit.

De cette libération des refusés des lettres naîtront peut-être – qui sait ? – le courants littéraires de demain.

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