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Pas un métier, l’écriture ?

Ça y est, ça recommence.

J’avais l’intention de recommencer à écrire pour mon blog des petits billets gentils, qui ne déplaisent à personne, et je me retrouve à contredire Neil Jomunsi une fois de plus.

Neil Jomunsi, c’est l’auteur de l’excellent blog Page 42, que je recommande à quiconque s’intéresse aux mutations de la culture. Belle écriture, billets de haute tenue, débat de qualité : dans le paysage actuel de l’auto-édition, Page 42 fait partie des meilleurs lieu de réflexion. Pourtant, j’éprouve souvent un certain désaccord à l’égard des idées qui y sont exprimées. Après avoir laissé un commentaire sous l’article, j’ai donc décidé de contribuer au débat par un nouveau billet, le premier depuis décembre 2015.

Il y a trois ans, Neil affirmait dans un billet que l’écriture était un métier. Il revient aujourd’hui sur cette question en défendant l’opinion contraire : non, réflexion faite, l’écriture n’est pas un métier, et c’est très bien ainsi.

Parmi ses divers arguments, cette citation exprime le fond de sa pensée : « Une création artistique professionnelle ne peut exister que dans un monde où le divertissement est devenu une valeur industrielle. »  Autrement dit, les artistes non professionnels sont les seuls vrais artistes, et ce en dépit de leur marginalité, de leur pauvreté et de leur statut peu enviable. Dès qu’un artiste compte sur son art pour payer ses factures, il se transforme ipso facto en un fabricant de produits industriels calibrés. Quant aux auteurs non commerciaux qui parviennent malgré tout à vivre de leur plume, ils ne doivent ce privilège qu’au hasard. Conformément à un préjugé très répandu en France, le succès, pour un véritable écrivain, ne saurait être qu’un malentendu.

Qu’est-ce qu’un métier ?

Il faudrait d’abord préciser de quoi on parle. Le mot métier, par exemple, renvoie souvent aux servitudes du salariat, à l’absurdité d’une occupation lucrative, mais dépourvue de sens. Si l’écriture ne peut pas être un métier, pourquoi la traduction, par exemple, le serait-elle ? Au nom de la pureté artistique, cette vieille chimère du romantisme ?

On dira que l’écriture, à l’inverse de la traduction par exemple, aboutit rarement à la production d’un bien intellectuel qui possède une valeur marchande. Sur les milliers de romans publiés, sans compter ceux qui ne le sont pas, combien se vendent assez pour justifier l’investissement ? C’est la raison pour laquelle aucun éditeur ne prendrait le risque de salarier ses auteurs : étant donné le caractère aléatoire du succès, cela le conduirait à coup sûr à la faillite.

Aucun auteur ne se verra donc proposer un poste rémunéré d’écrivain-maison, avec un salaire tombant en fin de mois et une retraite assurée. Il me paraît inutile de se demander si cet état de fait est positif ou négatif ; en l’absence d’une alternative, la question ne se pose pas. « Vivre de sa plume » revient donc à vendre suffisamment de livres pour pouvoir se consacrer totalement à l’écriture. C’est à ce moment que Neil Jomunsi estime que l’auteur perd son authenticité pour devenir un producteur de contenus compatibles avec les objectifs commerciaux de l’industrie.

La rançon de l’insuccès

Un auteur sans succès finit toujours par renoncer à son art. Autrefois, un succès d’estime pouvait permettre à certains littérateurs de trouver leur place dans le système culturel, sans devoir justifier de chiffres de vente avantageux. Ils devenaient critiques, directeurs de collection ou jurés de prix littéraires. Couverts d’honneurs, ils bénéficiaient enfin d’une reconnaissance académique, avec à la clé la vente forcée de leurs ouvrages à la clientèle captive des lycéens et des étudiants en lettres.

Ces pratiques sont aujourd’hui en voie de disparition, au profit de la religion du chiffre. Un auteur qui ne vend pas reçoit de temps à autre les félicitations des gens de lettres, mais sa carrière ne tarde pas à s’interrompre, quand ce ne sont pas ses (petits) éditeurs qui mettent la clé sous la porte après dix ans de travail semi-bénévole. Même les légendaires « petits éditeurs exigeants » lorgnent vers la manne des prix littéraires dans l’espoir de mettre enfin un best seller sur orbite.

Éloge de l’obscurité

Je traduis donc l’argument principal de Jomunsi : l’écriture ne doit pas devenir un métier, afin que des bataillons de petits auteurs puissent continuer à alimenter le pléthorique marché littéraire en livres sans succès, mais authentiques. J’imagine les difficultés que ces écrivains maudits peuvent rencontrer : condamnés à l’obscurité sous peine de tomber dans la catégorie des auteurs compatibles avec les objectifs des éditeurs industriels, ils sont contraints de travailler à ne pas plaire au public !

Je m’interroge également sur l’utilité d’une telle littérature. Si les vrais écrivains sont les écrivains confidentiels, ils exercent forcément sur la culture une influence ridiculement limitée. Faut-il rappeler que Balzac, Zola et Flaubert n’appartenaient pas, loin s’en faut, à la catégorie d’auteurs végétant dans cette obscurité qui passe aujourd’hui pour une garantie de qualité. Dans le cas contraire, ils auraient à peine effleuré l’esprit de leur temps, ne laissant de traces que dans les histoires exhaustives de la littérature.

Ce que j’en pense

Les lecteurs de ce blog savent que mon opinion se situe aux antipodes de celle-ci. D’abord, je m’oppose à cet élitisme typiquement français qui n’accorde de valeur qu’aux livres illisibles et impopulaires. J’ai la conviction qu’on peut plaire sans se prostituer, et exprimer des sentiments authentiques dans un thriller haletant ou un roman d’amour. Ensuite, si je n’apprécie guère les éditeurs industriels, c’est parce qu’ils exploitent les auteurs en s’imposant comme des intermédiaires trop bien payés et des garde-chiourmes qui rejettent énergiquement toute nouveauté qui ne correspond pas à leurs préjugés éditoriaux.

Quant au succès, il serait prétentieux d’affirmer qu’il ne reflète pas une valeur fondamentale. Peu importe que cette valeur ne soit pas toujours littéraire ; un livre apprécié par des milliers ou millions de personnes leur apporte forcément quelque chose. Peut-on divertir sans avilir ? Oui, j’en suis convaincu. Peut-on élever en ennuyant le lecteur ? J’en suis moins sûr.

Reste la question de départ : l’écriture peut-elle être un métier ? Ma réponse est oui et non. Elle ne peut être un métier au même titre que les autres activités rémunérées, mais s’apparente aux revenus qu’un créateur d’entreprise peut tirer de son projet. De même que la plupart des jeunes entreprises font faillite au cours de leurs premières années d’existence, réduisant à néant les économies de leurs créateurs, l’écriture se réduit très souvent à une tentative avortée, un gouffre qui engloutit plusieurs années de travail sans aucun bénéfice.

Mais quand un écrivain parvient enfin à se constituer un lectorat solide, sa petite entreprise prend enfin son envol et lui fournit un revenu tout à fait honorable et suffisant pour entretenir une famille. La contrainte de devoir écrire pour approvisionner le compte en banque est-elle insoutenable pour un artiste ? J’ai tendance à penser qu’au contraire on travaille mieux sous la contrainte que dépourvu de toute obligation.

J’achève ces billets par une citation du célèbre écrivain de science-fiction britannique Michael Moorcock, dédicace de son roman Le tsar d’acier, qui montre qu’il est possible de rester authentique tout en dépendant de son écriture pour payer ses dettes :

À mes créanciers, intarissable source d’inspiration..

 

14 Comments

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    Neil Jomunsi 29 septembre 2016 (12 h 56 min)

    Merci de cet article.
    Quelques nuances :
    “Autrement dit, les artistes non professionnels sont les seuls vrais artistes, et ce en dépit de leur marginalité, de leur pauvreté et de leur statut peu enviable »
    —> je n’ai jamais dit une chose pareille, cela relève du sophisme. Je dis juste qu' »une création artistique professionnelle ne peut exister que dans un monde où le divertissement est devenu une valeur industrielle ». C’est tout. Ça ne fait pas des pros de « faux artistes ». Au contraire, dans la doxa contemporaine, seuls les pros sont considérés comme de vrais artistes (et je me bats contre cette idée).
    « l’écriture ne doit pas devenir un métier, afin que des bataillons de petits auteurs puissent continuer à alimenter le pléthorique marché littéraire en livres sans succès, mais authentiques. J’imagine les difficultés que ces écrivains maudits peuvent rencontrer : condamnés à l’obscurité sous peine de tomber dans la catégorie des auteurs compatibles avec les objectifs des éditeurs industriels, ils sont contraints de travailler à ne pas plaire au public ! »
    —–> je n’ai pas dit ça non plus : je pense simplement qu’une œuvre authentique, pas au sens « vraie œuvre d’art » mais « oeuvre profonde, reflet de l’esprit d’un artiste et non pas du monde dans lequel vit cet artiste », a besoin d’un peu de temps pour arriver à maturation. Un auteur ne peut pas écrire 10 romans importants dans sa vie. Un, peut-être deux, trois à la rigueur (laissons les génies de l’histoire littéraire de côté, nous les citons en contre-exemple justement parce qu’ils défient la normalité à laquelle la plupart d’entre nous sont liés). Que cela plaise ou non est une conséquence : coller à sa propre vérité, la sienne propre, c’est l’action de base, de laquelle découlera ou non le succès.

    Je ne crois pas faire preuve d’élitisme, au contraire.

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      admin 29 septembre 2016 (18 h 10 min)

      Bonjour Neil, et bienvenue sur ce blog.

      Bien sûr que j’ai un peu forcé tes idées (j’espère que le tutoiement ne te gène pas). J’ai surtout raisonné par l’absurde, dans le but de mettre en évidence certaines implications cachées.

      Sur le premier point : si « une création artistique professionnelle ne peut exister que dans un monde où le divertissement est devenu une valeur industrielle », cela signifie que le divertissement est incompatible avec « un paysage créatif qui reflète vraiment ce que sont les gens, au fond d’eux-mêmes, en transparence et en vérité ». Dans ton article, tu affirmes bien que l’absence de professionnalisme empêche l’art de devenir un reflet de ce que veut l’industrie. J’admets que tu ne parles pas des non professionnels comme de « vrais artistes », mais je ne trouve pas abusif d’interpréter ta pensée de cette façon. C’est là que se situe mon désaccord : pour moi, il est possible d’être divertissant tout en reflétant vraiment ce que sont les gens, au fond d’eux-mêmes, en transparence et en vérité. Si ma mémoire est bonne, Ray Bradbury était un écrivain professionnel, auteur de livres appartenant à des genres distrayants, ce qui ne l’a pas empêché de nous présenter un reflet authentique de nos vies.

      Concernant le second point, je crois, moi aussi, que seules les œuvres livrant un véritable contenu humain ont la moindre importance. La nuance, c’est que je crois aussi que l’imagination est un muscle, et que la seule façon pour un auteur de produire le grand livre qu’il a éventuellement en lui, c’est d’écrire sans s’arrêter, de reprendre incessamment les mêmes obsessions, jusqu’à leur donner un jour une forme parfaite.

      Je ne pense pas que tu sois élitiste, même si un certain nombre de fidèles de ton blog le sont incontestablement. Voici quelques précisions sur ce que je voulais dire dans ce paragraphe. Christopher Lasch oppose très justement la littérature populaire à la littérature de masse, la seconde exploitant les caractéristiques de la première pour générer du profit. À mon sens, on ne peut échapper à l’élitisme qu’en écrivant de la littérature accessible à tous. Que veut le lecteur populaire ? Une bonne histoire, des sentiments, des relations fortes ou intimes entre les personnages, des péripéties impressionnantes, etc. Chaque fois qu’un auteur refuse d’offrir ces valeurs de base à ses lecteurs, il s’écarte de la littérature populaire. C’est d’ailleurs ce qui détourne bon nombre d’écrivains publiés de l’auto-édition : l’obligation de plaire leur semble intolérable et contraire à leur éthique littéraire.

      Je résume donc ma position : comme les écrivains de SF de la grande époque, je n’ai pas honte d’écrire des livres bourrés de conflits dramatiques, de sentiments, de dangers mortels et de retournements vertigineux. Divertir ne s’assimile pas pour moi à « remplir le cerveau des lecteurs de merde ». Si une seule phrase de ton article peut être qualifiée d’élitiste, c’est bien celle-là, car les lecteurs préfèrent cette « merde » plutôt que les « œuvres profondes, reflets de l’esprit d’un artiste et non pas du monde dans lequel vit cet artiste ». Cependant, si le divertissement ne me fait pas peur, je fuis comme la peste l’infâme industrie qui vide ce divertissement de tout sens, notamment en imposant aux auteurs une stérilisation éditoriale dont les lecteurs ne bénéficient pas. Là se situe pour moi notre vrai combat, et non dans l’engagement de refuser toute professionnalisation pour ne pas se sentir obligé d’écrire ce que les gens aiment lire.

      Dans tous les cas, merci pour ton commentaire, et n’hésite pas à poursuivre le débat.

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    Ghaan Ima 30 septembre 2016 (9 h 39 min)

    Ohh!!! Un vrai débat chouette! J’ai envie de mettre un peu d’huile sur un feu où vous avec l’air en parfait accord: le problème de la standardisation des productions de l’industrie du divertissement.
    Alors peut être que j’interprète mais il me semble que vous considérez que certaines maisons d’édition, que les studios hollywoodien and co standardisent la production et qu’il nous faut nous éloigner de leurs schémas.
    Pour moi, ces standards ne doivent pas être méprisés, ils doivent être étudiés puis intégrés via l’expérience. Et là je te rejoins Guy, il faut écrire beaucoup avant de réussir à produire quelque chose de propre (un peintre commence par des esquisses et des études avant d’attaquer une oeuvre). Mais pas écrire beaucoup sans structure ni but en restant sourd à ce que vous crie une industrie qui étudie l’art des histoires depuis 5 ou plus générations d’auteurs. A quoi bon réinventer la roue? D’où l’intérêt des correcteurs/coach, ou des éditeurs si on a la chance d’en dénicher un.
    Et je te rejoins aussi Neil mais en partie, « coller à sa propre vérité » est important pour sortir cette pépite qu’on a en nous et qui permettra de faire d’une histoire basique une oeuvre véritable qui parlera au coeur et à l’âme du lecteur. Néanmoins, il existe des techniques pour toucher un lecteur (merci les théoriciens américains!) Il existe des techniques pour être lisible et permettre aux mots de créer du sens pour le lecteur (merci les manuels de journalismes et ces méchants diktats des maisons d’édition). Je vois beaucoup de textes autour de moi, qui ne respectent pas les bases du storytelling et même pas les règles de base de la lisibilité, et j’entends leurs auteurs invoquer les lois divines de la malédiction des artistes incompris pour expliquer leur échec. Je respecte les artistes et je crois fermement que tout artiste a quelque part une audience même si elle est difficile à trouver. Mais personnellement, je ne veux pas être un artiste. Je veux devenir un écrivain de métier, dont les livres sont lu qu’ils soient populaires ou même populistes. Et si cela implique d’utiliser les ficelles de Vogler que Hollywood a usé jusqu’à la corde au point qu’on en voit les fibres alors… je le ferais. Mais bien sûr, il faut de la profondeur et un peu de soi pour enrober la ficelle. C’est là que se situe l’art véritable, pas avant.
    Et juste pour illustrer mon propos je voudrais citer Dumas, car s’il y a un écrivain qui a produit plus d’un grand livre dans sa vie, c’est lui. Dumas était un écrivain de feuilleton le genre le plus mercantile qui soit. Mais là où les Verne et autres pensaient qu’il fallait tirer à la ligne, lui avait compris les bases du cliffhanger. Il avait aussi compris le besoin du peuple pour la romance, la bataille et le drame, besoin qu’il s’est empressé d’assouvir mais cela ne l’a jamais empêché de donner sa vision de la révolution, des rois ou des philosophes par exemple. Le cycle de Balsamo est un régal autant par les techniques narratives qu’il maîtrise que par le coeur et la rage qu’il autorise à sa plume de verser.
    Bref, pour moi l’écriture n’est ni un art ni une science codifiée, c’est un délicat mélange des deux et on ne peut s’affranchir d’une des deux composantes qu’on veuille être un artiste maudit ou un pondeur de best seller.
    bonne chance à vous dans vos projets! =^-^=

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      admin 30 septembre 2016 (18 h 17 min)

      Bonjour Ghaan Ima,

      Je me sens tout à fait en accord avec ton commentaire. Je suis, moi aussi, un grand consommateur de traités de dramaturgie (dernier achat Christopher Booker, The Seven Basic Plots). Quant aux best sellers, je les étudie beaucoup plus que je ne les consomme. Zola était un auteur de best sellers. Pourquoi avons-nous abandonné les techniques de narration à des auteurs non seulement mercantiles, mais qui exploitent des recettes sans y mettre un supplément d’âme ? J’estime que l’art narratif est une chose trop sérieuse pour être laissée à des auteurs de thrillers standardisés.

      En mon temps, j’ai voulu croire que j’étais un grand écrivain incompris, alors que je ne connaissais pas les bases de cet artisanat. Effectivement : captiver le lecteur, ça s’apprend. Je n’accepte pas l’attitude consistant à traiter ce dernier de crétin et les éditeurs de vils capitalistes. C’est un peu facile de déverser ses tripes sur du papier de de demander aux éditeurs de trouver les clients. Si la littérature « à contenu humain » a disparu des listes de meilleurs ventes, ce n’est pas parce que les lecteurs aiment la merde, mais parce que les auteurs littéraires refusent de leur donner ce qui leur donne envie de tourner les pages.

      Dans tous les cas, j’avoue ne pas être surpris que les auteurs indépendants se sentent plus proches de mes arguments que de ceux de Page 42. Quand on s’adresse directement aux lecteurs, il est impossible de dissimuler son incompétence narrative derrière une posture de grand littérateur.

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        Ghaan Ima 30 septembre 2016 (19 h 02 min)

        Tiens je connaissais pas celui là 😉 merci!
        Je ne me suis jamais sentie artiste incompris, juste écrivain minable, ce qui n’est jamais vraiment le cas hein? Au delà de la standardisation, les méthodes ont leur danger aussi, celui de bloquer la plume en faisant passer l’écriture pour ce qu’elle n’est pas: un science cartésienne. Donc je comprends aussi les artistes allergiques aux méthodes
        😉 Comme dans tout, il faut de la mesure!
        Je ne connais pas les lecteurs de page42, il doit y avoir un peu de tout aussi 😉 et rien n’empêche de commencer en grand littérateur, puis passer par une phase méthodiste pour finir en surréaliste 😉 Le changement et le chaos sont aussi la beauté de la chose. Il faut de tout pour faire monde, c’est valable aussi pour la sphère littéraire. Cependant, les maisons d’éditions l’oublient un peu rattrapées comme elle le sont par la logique mercantile. Et justement, les indes sont aussi là pour expérimenter et remettre un peu d’art échevelé dans tout ça 😉
        Bonne continuation!

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          admin 30 septembre 2016 (19 h 30 min)

          Les livres auto-édités obéissent aux mêmes lois que les livres d’éditeurs. Il faut plaire, toujours plaire. La seule différence, c’est que nous pouvons nous permettre, en tant qu’indés, des paris que les éditeurs refuseraient. Et si nous perdons notre paris, au moins nous avons essayé. Impossible, dès lors, de se croire injustement négligés.

          Pour ce qui est des méthodes, plus je m’y intéresse, moins j’y vois des recettes. Il faut un certain talent pour arriver à intérioriser la dramaturgie comme si elle devenait une seconde nature. Moi, je n’y suis pas encore arrivé.

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            Ghaan Ima 3 octobre 2016 (23 h 05 min)

            c’est vrai, mais plutôt qu’intérioriser je dirais: « digérer »… Il faut toujours un temps de latence pour prendre de la distance sur une méthode. Le problème de ces méthodes est qu’elles sont livrées toute en théorie, sans exercice pratique pour intégrer les concepts (on fait bien des exercices de maths et de grammaire?). D’où l’importance de produire beaucoup en cycle court. C’est ce que je fais en ce moment, nouvelles, nouvelles… Je te dirais si ça marche 😉 Bon courage à toi ^-^

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            admin 4 octobre 2016 (22 h 11 min)

            On essaie tous de trouver la formule idéale, ou plutôt de l’adapter à notre cas personnel. De toute façon, il s’agit d’un chemin solitaire. Tu essaies de raffiner le bloc de charbon qui sort brut de ton imagination jusqu’à atteindre une transparence qui le rend aussi précieux que du diamant pour les lecteurs. Surtout, il ne faut pas acquérir trop d’habitudes, parce qu’on a tendance à les confondre avec un talent naturel. Ne pas confondre, en quelque sorte, le chemin avec la destination.

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    Marjorie Moulineuf 30 septembre 2016 (13 h 20 min)

    Bonjour Guy
    J’ai lu les deux articles mais je m exprime sur ton blog car c’est de ta vision que je me sens le plus proche et je comprends ton point de vue.
    C’est tout à fait le genre de débat stérile qu’on a en fin de soirée. Ceux qui seraient bien intentionnés : les « artistes » et les autres qui seraient des vendus à l’industrie du divertissement, incapables d’exprimer une vision authentique. En général, ça dégénère. Les artistes qui défendent la pureté et la noblesse de leurs intentions et les artisans d’art ( comme je me définis) qui défendent leur utilité. Dans ces soirées, ce qui me navre c’est que le beau et l’utile essaient de s’exclure. Comme si le « beau » ne pouvait pas être utile et était forcement désintéressé et l’utile : sommaire sans autre but que la nécessité ou fournir de la bouillie prédigérée à la populace.
    On fini toujours par s’engueuler car je ne supporte pas qu’on mette en doute mon authenticité et ma sensibilité sous prétexte que j’essaie d’en faire un métier et gagner de l’argent avec mes créations en me préoccupant des lecteurs. On se rabiboche autour d’une bonne bouteille parce qu’au final au delà de notre vision du monde qui nous sépare, on veut tous la même chose : raconter des histoires. Comme un vigneron tente de faire s’exprimer au mieux son terroir.
    En tous cas un peu d’humilité ne nous ferait pas de tort, car que l’on n’écrive que pour soi et se faire plaisir ou dans le but de faire plaisir aux autres, avant d’être artiste ou artisan (d’art) ne sommes-nous pas ou ne rêvons-nous pas d’être en premier des conteurs et de pouvoir en vivre ? En tous cas avec ces potes écrivains ou musiciens, on a au moins cela en commun 🙂

    Juste parce que cela me fait rire et relativiser l’art de l’écriture :
    « On récompense des écrivains parfois pour leur œuvre. Pourquoi n’en punit-on jamais ? » Jules Romain

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      admin 30 septembre 2016 (18 h 37 min)

      Bonjour Marjorie,

      J’aimerais assister de temps en temps à tes fins de soirées, même si tu trouves les débats stériles 😉

      Tout cela n’aurait aucune importance, si les enjeux de ces débats n’étaient pas la publication, la rentabilité économique, le sentiment de posséder une utilité ou au contraire d’être relégué dans les oubliettes de la culture. Il y a de la vraie souffrance chez ces artistes qui dénigrent la littérature populaire parce qu’elle leur vole la place qu’ils estiment mériter. Neil Jomunsi ne semble pas avoir apprécié le mot « élitiste » que je lui associe, car l’élite en question se sent plutôt menacée dans son existence même. Avec la marginalisation de la littérature qui se veut sérieuse, c’est toute une classe d’artistes qui se trouve réduite au silence. Rien d’étonnant à ce que ces auteurs refusent d’admettre que les conteurs populaires leur ressemblent.

      Quant à l’humilité, j’en ai ma propre version. Pour moi, un(e) artiste est humble à partir du moment où il(elle) accepte d’apprendre des leçons de ceux qui réussissent mieux que lui(elle) à captiver le public.

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    Alan Spade 2 octobre 2016 (1 h 23 min)

    Je me rangerai aussi de ton côté, Guy, et tu n’en seras pas surpris. Le fait de généraliser sur les « produits commerciaux » destinés au grand public restera toujours cela: de la généralisation, qui permet à la personne professant ce genre de propos de se situer d’emblée au-dessus du panier.

    Mettre des romans populaires, qui restent des œuvres de l’esprit, dans la même catégorie que les jeux du cirque destinés uniquement à distraire les lecteurs, voire à les lobotomiser, me semble tout aussi généralisateur et outrancier.

    Estimer que les impératifs alimentaires vont automatiquement générer une littérature commerciale formatée et privée de toute originalité et personnalité me semble tout aussi outrancier.

    Si en revanche, Neil exprime la crainte pour un auteur de se répéter, d’être moins original à force de création, je peux le comprendre. Certains diront que c’est vendre son âme. Je crois que c’est là un défi qu’il faut accepter de relever, tout en sachant que des lecteurs qui lisent chacun de nos livres trouveront nécessairement des points communs, des thématiques, voire des morceaux d’intrigue, qui se répètent au bout d’un moment. Tout en acceptant aussi, à des moments de nos carrières où l’on est moins en forme, d’avoir des livres moins originaux ou percutants. C’est humain.

    Mais tant que l’on sait se remettre en question et écouter la critique, il reste de l’espoir. On peut rectifier le tir pour le livre suivant.

    L’utilisation de mots clés percutants pour les pitchs et descriptions de livres peut, si l’on s’en tient à un examen superficiel, donner l’impression que certains livres trouvant leur public obéissent à des règles de formatage.

    Mais un livre qui trouve son public, c’est en général un livre qui possède sa personnalité propre et parvient à faire résonner quelque chose dans le lecteur. Il ne s’agit pas de démagogie, mais à certains moments, de faire partager quelque chose avec le cœur, les tripes ou le cerveau.

    Pour moi, tout auteur qui parvient à faire oublier complètement son environnement à quelqu’un et à le plonger dans sa création intellectuelle fait de l’art. Cela n’a rien à voir avec les jeux du cirque, parce que le cerveau du lecteur est constamment sollicité pour permettre la re-création de cet univers initié par l’auteur. C’est si le lecteur reste trop distancié et critique que l’on a probablement loupé quelque chose.

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      admin 2 octobre 2016 (8 h 50 min)

      Bonjour Alan,

      Je n’aurais su mieux dire.

      En France, la modernité littéraire a laissé des traces. Avant le Nouveau Roman, les auteurs savaient écrire des histoires et surtout aspiraient à le faire. Aujourd’hui, malgré un retour de la narration, il reste bon nombre d’aspirants auteurs qui estiment qu’ils doivent innover, se distancier de ce qu’ils croient être des règles ou des recettes pour suivre la voie de leur originalité, même s’il faut au passage laisser la quasi-totalité des lecteurs sur le bord du chemin. On ne compte plus les romans sans ponctuation, d’une écriture hermétique, enflée jusqu’à la démesure, racontant des événements infimes de la vie quotidienne de l’auteur. Sans parler des histoires d’écrivains en mal d’inspiration qui matent les jeunes femmes au bord d’une piscine (je caricature à peine).

      Dans son essai L’éloge du carburateur, Matthew B. Crawford réhabilite les métiers manuels, qui forment l’esprit en lui imposant la résistance de la matière. Je ne suis pas loin de penser que l’écriture artisanale d’une histoire qui plaît s’apparente davantage à ces métiers que l’art littéraire dépourvu de telles contraintes. Nous trouvons notre liberté en restant à l’intérieur de la définition d’un genre et de ses conventions littéraires, plutôt qu’en choisissant de nous en affranchir.

      Bien sûr, comme tu le dis bien, nous courons toujours le risque de nous répéter. Le public ne s’y trompe pas : même si certains auteurs de thrillers conservent leur lectorat bien qu’ils se servent toujours des mêmes ficelles, la plupart des autres voient alors leurs tirages diminuer.

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    Pascal Bléval 3 octobre 2016 (11 h 29 min)

    « Peut-on se considérer comme un artiste si l’on vit de son travail »?
    C’est quoi, l’art?

    Personnellement, je n’en sais rien. Certains disent que l’art, c’est ce qui ne sert à rien, alors… Dans ce cas, si cela nous sert à vivre, ce n’est plus de l’art? ^^’

    Au fond, je m’en moque un peu, de tout ça, de cette opposition faite entre « oeuvre littéraire » et « soupe populaire », les premiers regardant souvent d’un coin de l’oeil critique les seconds.

    Ce qui m’importe, c’est d’écrire et de tenter d’être le plus « pro » possible en le faisant. D’être le plus « lisible », de plaire à mes lecteurs sans pour autant plaire « à tous / au plus grand nombre ».

    En somme, je fais de mon mieux, sans tenter à tout prix de me rendre « commercial » juste histoire de vivre de ma plume.

    Mais il va sans dire que si un jour j’ai la chance de passer dans la cour des « grands » (ie: de ceux qui vendent, ne nous voilons pas la face), j’en serai extrêmement heureux !

    Car oui, cela me permettra d’avoir plus de temps à consacrer à mon « art » et donc de fournir des oeuvres plus abouties, plus approfondies, (plus profondes, peut-être ???) à mes lecteurs.

    Oui, dans mon cas, vivre de ma plume me permettrait d’avoir plus de temps à y consacrer, du coup, j’ai du mal à voir pourquoi cela cesserait soudain d’être de « l’art ».

    Et puis, être considéré comme un artiste est-ce une fin en soit? Moi, tout ce qui m’intéresse, c’est que mes lecteurs aiment ce que je leur propose, qu’ils passent un bon moment, d’une manière ou d’une autre. A mes yeux, seul cela fait sens.

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      admin 3 octobre 2016 (18 h 58 min)

      Bonjour Pascal,

      J’aime bien le passage : « la cour des « grands » (ie: de ceux qui vendent, ne nous voilons pas la face) ». Le problème, justement, c’est que tout le monde n’a pas tas ta franchise. Vendre demeure un tabou dans le milieu littéraire, et la défense inconditionnelle d’un originalité non commerciale passe pour une évidence. Le XIXe siècle a laissé des traces, avec son culte de l’Art pour l’Art et du désintéressement, souvent hypocrite.

      Au fond, comme tu les dis tout se résume à notre attitude à l’égard des lecteurs : soit leur plaire, soit leur proposer des livres qui se veulent authentiques. Pour moi, il existe un juste milieu entre les deux, qui produit des livres à la fois agréables à lire et humainement vrais. Ce juste milieu ne s’atteint pas spontanément, mais à la suite d’un apprentissage. Plus l’auteur travaille, plus il affine son écriture et évite les maladresses de débutant.

      On peut rêver d’une littérature de dilettantes, ou bien de rentiers qui peuvent se consacrer à leur art sans en attendre une rémunération, mais dans la vraie vie nous sommes comptables, enseignants, pères de famille et le temps disponible pour écrire est forcément limité. Je ne pense pas que cette indisponibilité engendre un art plus authentique.

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